Mieux construire nos bâtiments, nos rues, nos quartiers, nos agglomérations

Gaz à effet de serre, transports et budget : il est temps d'être radical et pragmatique

Par: Christian Savard
12 février 2019

Ce mois-ci, je fais du recyclage! Cette chronique reprend une lettre ouverte diffusée dans La Presse début décembre, et pour laquelle j’avais reçu de bons commentaires. Alors que le gouvernement prépare son premier budget, cette lettre présente une des propositions détaillées dans notre mémoire prébudgétaire.

Bonne lecture; vous me direz ce que vous pensez de notre approche radicale et pragmatique! 


Depuis l’été dernier, nous prenons conscience à un rythme exponentiel de la catastrophe annoncée que représente la perte de contrôle du climat.

C’est avec une stupeur croissante que nous réalisons la difficulté de renverser la tendance, le Québec et la majorité des pays n’étant pas en voie d’atteindre leurs cibles de réduction des émissions, comme nous l’a confirmé le dernier inventaire. Le gouvernement qui, de son propre aveu, a jusqu’ici peu approfondi le dossier, entend dorénavant « voir la réalité en face ».

Au Québec, s’attaquer aux émissions de gaz à effet de serre, c’est s’attaquer aux transports.
Dans ce domaine, nous croyons qu’il est temps d’adopter une approche radicale et pragmatique.

Par « radical », nous n’entendons pas « extrémiste ». L’approche radicale est celle qui porte sur la racine du problème, qui vise à agir sur ses causes profondes. En matière de transport, la source des besoins de déplacements et, donc, des émissions de gaz à effet de serre associées, ce sont nos décisions d’aménagement du territoire et d’urbanisme.

Le transport routier est à lui seul le premier secteur d’émission au Québec. Ses émissions ont crû de 52% depuis 1990. Si le Québec avait, en transport routier, le bilan de 1990, nous aurions déjà presque atteint à l’interne la cible de réduction de 20% d’ici 2020. À elle seule, la croissance des émissions du transport routier a annulé toutes les réductions réalisées par l’industrie.

Cette hausse est essentiellement le résultat de nos choix urbanistiques. Étaler le développement urbain, disperser les emplois, concentrer les commerces aux abords des autoroutes: tout cela contribue à augmenter les distances parcourues.

Le Québécois de 2013 roulait en moyenne 1500 kilomètres de plus, chaque année, que celui de 1990.

La bonne nouvelle, c’est que nous pouvons adopter, en aménagement, une stratégie réparatrice.

Nos milieux de vie regorgent d’espaces sous-utilisés: friches urbaines, stationnements de surface, strips dévitalisées. En misant sur leur consolidation plutôt que sur l’étalement urbain, nous pouvons faire en sorte de réduire, sans effort supplémentaire, les émissions en transport des ménages et des entreprises qui s’y installeront.

Cette approche est pragmatique, au sens où elle assure que tout ce que nous construisons de nouveau – maisons, rues, quartiers, bureaux – soit soutenable sur le plan climatique. Il n’y a rien de plus concret que nos milieux de vie.

L’aménagement du territoire est aussi la seule approche qui permet de lutter contre les changements climatiques tout en s’attaquant à bien d’autres problèmes. Économie de frais de déplacements et de coûts d’infrastructures, préservation des milieux naturels et agricoles, activité physique au quotidien: la liste des bénéfices d’une croissance urbaine à faible impact climatique est longue et réjouissante!

L’aménagement du territoire permet aussi, tout en allégeant le bilan carbone, d’adapter nos milieux de vie aux conséquences des changements climatiques.

L’État doit aider les villes et les villages à prendre ce virage. Bien sûr, aller à la racine exigera de mettre en place une écofiscalité municipale, d’investir massivement en transport collectif et d’adopter une Politique nationale d’aménagement du territoire. Mais ces réformes prendront deux ou trois ans. Pour commencer le travail, il faut, sans attendre, donner aux acteurs locaux un incitatif financier.

Nous recommandons que soit créé, dès le prochain budget, un Fonds en aménagement et urbanisme durable, doté de 100 millions par année, dédié à la consolidation des noyaux villageois, à la création d’écoquartiers sur les friches urbaines, à la requalification des anciennes strips commerciales. Une approche pragmatique, pour des résultats à court terme.

La mise en valeur des terrains contaminés est à la base de la vision de François Legault pour l’est de Montréal. Ce que le premier ministre entend faire pour la métropole, il doit le faire pour l’ensemble du Québec!

Mettre l’aménagement du territoire en action contre les changements climatiques est une approche reconnue qui se heurte trop souvent, localement, aux sirènes de l’étalement urbain et de ses rentrées de taxes immédiates. Un Fonds en aménagement et urbanisme durable sera un puissant incitatif pour que les villes concentrent leur attention et leurs efforts à réparer nos milieux de vie. Nous y gagnerons un meilleur climat.

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